Ici et là : sculptures

C’est dans une pratique de la sculpture poursuivie avec de nouveaux matériaux élémentaires que Julie Monnet construit son interrogation de l’idée du paysage, dans l’appréhension de ces différents espaces : urbains, péri-urbains puis ruraux.

Sa récente découverte des forêts du Poitou, l’amène aujourd’hui à montrer« le haut des abris ». Avec cette série, elle déploie des assemblages légers dont les volumes et les surfaces sont peu lisses, presque frustres. Ces assemblages entrent en contact avec le sol, sans toutefois créer un in situ, il s’agit d’autrechose qu’activer la mémoire du lieu. Il ressort de ces sculptures une grande charge abstraite dont la liane, le bois brut ou façonné, forment des segments d’ouverture dans l’espace, en lignes et courbures, parfois jusqu’à la torsion. Ainsi l’espace alterne de vides en pleins entre imaginaire et réel. Cet espace comme elle l’indique dans ses notes figure un contraste entre l’action de la main de l’homme et le développement naturel de la forêt. De cette observation, Julie Monnet nous offre-t-elle de nouvelles imbrications non agressives entre la nature et l’homme ? On peut le supposer du point de vue de la volonté de Julie Monnet, une volonté de mettre en œuvre ce qui est déjà disponible, en usage dans le monde et le détourner de sa fonction de départ. Ainsi, cette volonté la rapproche d’autres artistes comme Katinka Bock, toutes proportions gardées cela s’entend.

Avec la série « le haut des abris », l’échelle des œuvres est réduite en deçà du corps humain, c’est l’échelle du geste et de l’ampleur des bras. La dimension abstraite de ces sculptures s’accorde à cette échelle qui plie le morceau de sac de gravats, transforme en formes géométriques le contreplaqué, le liège et le plexiglass. Il y a des tensions surprenantes dans ces volumes, des tensions où l’on se laisse aller à voir l’amorce d’un chapiteau, un tronc de cône excavateur, une forme organique, l’indice d’un tipi. Autant de signes qui contribuent à une dynamique de l’ensemble, une dynamique expansive amenant l’espace d’exposition dans le sillage de ces sculptures par à-coups et fragments. L’endroit voit son statut d’exposition se dissiper pour devenir lieu de déposition. On en éprouve les limites tout autant que celles des sculptures qui, n’étant pas érigées, prennent un caractère déplacé. Elles affleurent au sol et contre les murs –celle du mur relèvent davantage de l’ordre de l’objet- Certaines paraissent de guingois, presque instables, elles donnent un sens ludique à un paysage de fiction. Ce sens est en partie donné par une constante de la diagonale à l’œuvre dans ces sculptures, ainsi que la présence de plans inclinés et de lignes courbes qui complètent ce paysage de fiction à caractère composite.

Ce paysage composite apporte un élément supplémentaire à l’univers de Julie Monnet, son appropriation de l’espace marque ainsi une étape supplémentaire avec « le haut des abris ». Ce sont des œuvres charnières, la fiction d’un paysage à l’intérieur d’un espace public de déposition.


Ici et là : sculpture, 2016, Thierry Thoubert, auteur plasticien

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