Le paysage n'existe pas

Le paysage n’existe pas, il n’est pas fragmenté, pas sectionné. Il n’y a pas différents types de paysages. Il y en a un seul et unique, nous le traversons, nous le parcourons, nous marchons continuellement dessus et dedans car nous sommes reliés à la terre que nous le voulions ou non. Mon travail s’articule autour de lui. Je dessine, arpente, observe, collecte, traverse le paysage à pied, en train, en voiture ou en vélo, souvent celui qui est en périphérie des villes. Me déplacer est de l’ordre de l’instinct, ça m’est nécessaire. J’ai la sensation d’habiter le paysage, d’en faire partie et qu’il fait partie de moi. En périphérie des villes, le champs de vision est plus large et le cadrage moins serré. Il y moins de parasites visuels. Le regard n’oscille plus entre les couleurs, les formes, les volumes, les matières, les gens, les mots. Il s’étend, il va loin, rebondi parfois et se pose calmement. Lorsque je me déplace, je cherche à embrasser le paysage de près et de loin. Même si ça n’est pas possible. alors je collecte par prélèvements des éléments (matériaux, dessins, matrices, photographies, notes...). Cette archive du visible, ce que je perçois à un moment donné, s’apparente à des rushs, des séquences, des focus, des plans rapprochés ou larges. C’est une mémoire en travelling qui tente d’agir comme un panoramique en séquences et dont je me sers à l’atelier. Dans l’atelier, c’est une autre forme de déplacement qui opère, le périmètre d’action est différent, c’est une autre échelle de temps et d’espace. Les jambes ne sont plus le principal moteur, elles deviennent même parfois secondaires. C’est le buste qui prend le dessus avec les bras, les mains. Que ce soit pour la gravure, la sculpture, la peinture ou le dessin, je fais attention aux différents gestes que mon travail implique : presser, rouler, décoller, étendre,couler, frotter, étaler, remplir, recouvrir, couper, assembler, tracer, répéter, clouer, visser, coller, associer... par une pratique et une démarche polymorphe, je cherche à donner à voir des miroitements, des reflets de ce que je perçois : une atmosphère, un agencement de formes et de matières, une pensée. Je fonctionne par intuition, mon processus de pensée est flexible c’est entre autre pour cela que je n’ai pas un médium de prédilection à proprement parler. J’adapte une technique, un médium, un outil à ce que je veux représenter, présenter. Les pièces que je réalise se répondent les unes des autres et nourrissent une pensée générale qui se définie et se redéfinie au fur et à mesure.


Le paysage n’existe pas, 2019, Julie Monnet

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